CORRIGÉ
Les jumelles - Texte original de Vanpoulle Brigitte
Les décennies s’étaient succédé et les deux sœurs, tout à leur gémellité, ne s’étaient jamais laissé influencer par la mode ni par le qu’en-dira-t-on. Quelles que fussent les prévisions météorologiques, on pouvait les voir sillonner le quartier, vêtues à l’identique. Par temps pluvieux elles portaient des cirés vert pomme et des parapluies à bordure rose fuchsia. Les soirs de bal à Paris-Plage, elles allaient nu-tête, cheveux carotte, robes rose poudré, socquettes roses à pois blancs et sandales compensées mauves. Quelle que soit la réaction des passants et quelque gênant que puisse être leur regard, elles se promenaient, concentrées sur leur image, quoi qu’on pensât d’elles. Je ne les ai jamais vues se parler, quoique je les aie croisées souvent. Elles s’étaient plu à façonner leur image.
S’étaient succédé: Dans le groupe verbal se succéder, se est un complément d’objet indirect. Si on remplace une personne, on succède à quelqu’un, on lui succède. Ce qui explique qu’au participe passé, succéder est invariable puisque le pronom se n’est pas complément d’objet direct. On écrira donc elles se sont succédé, comme on écrit elles se sont parlé.
Tout : Quand « tout » peut être remplacé par « entièrement » ou « complètement », il est invariable devant un adjectif masculin (« tout bons ») comme devant un adjectif féminin commençant par une voyelle (« tout énervée », « tout énervées »). Devant un adjectif féminin commençant par une consonne, l’accord se fait (« toute belle », « toutes belles »)
Laissé influencer : Depuis « Les rectifications de l’orthographe » de 1990, le participe passé de laisser suivi d’un infinitif est rendu invariable. Si l’on ne veut pas suivre ces recommandations, l’analyse de la phrase fait apparaître que le COD de laissé, se mis pour les deux soeurs, ne fait pas l’action de l’infinitif influencer. Il n’y a donc pas d’accord avec le COD.
Quelles que fussent; quelle que soit la réaction : Suivi de l’auxiliaire être au subjonctif, quel que s’écrit en deux mots et prend le sens de « peu importe ».Quel est alors attribut du sujet et s’accorde en genre (masculin / féminin) et en nombre (singulier / pluriel) avec celui-ci.
Quelque gênant : Dans sa construction avec le pronom relatif que (en fonction d’objet direct), quelque s’écrit en un seul mot. Suivi d’un adjectif, il signifie « aussi, si ». Il est alors adverbe et reste invariable. Après quelque… que, le verbe se met au subjonctif, sauf si l’on a affaire à une simple relative à l’indicatif.
Vert pomme, rose fuchsia, rose poudré : Les adjectifs composés de deux mots comme ‘bleu ciel’ restent invariables.
Nu-tête : Les adjectifs nu et demi placés devant le nom resteront invariables et seront reliés par un trait d’union.
Carotte : Les adjectifs dont la couleur est tirée d’un objet restent invariables.
abricot – acier – argent – avocat – bronze – café – cannelle – caramel – carotte – cerise – champagne –
chocolat – citron – crème – cuivre – fraise – framboise – kaki – lavande – marine – olive – or – orange – pêche – prune – rouille – turquoise
Roses, mauves : certains noms sont assimilés à des adjectifs et s’accordent donc avec le nom qualifié. Ce sont : mauve, pourpre, rose, écarlate, fauve, vermeil et incarnat
Quoi qu’on pensât : Quoi que (concession) locution pronominale suivie du subjonctif
Quoique je les aie croisées : quoique est suivi du subjonctif lorsqu’il exprime pleinement (emploi très courant) la concession ou l’opposition, comme bien que ou encore que.
Vues : s’accorde avec le COD placé avant : les, mis pour elles.
Croisées : s’accorde avec le COD placé avant : les, mis pour elles.
Plu : le participe passé du pronominal “se plaire” – et celui de ses composés – est invariable ; Elle s’est plu à faire enrager son frère.Elle s’est complu à lui faire plaisir.Elle a plu à qui ? A elle-même. A faire quoi ? A lui faire plaisir.
“se” n’est pas COD du participe mais C.O.I. (plaire étant un transitif indirect, il ne peut avoir de COD).